Eloge Henri Gilles par Germain Sicard


ÉLOGE DE HENRI GILLES

Par M. Germain SICARD

Hommage rendu le 28 novembre 2013 au Professeur Henri Gilles, membre correspondant de l’Académie par Germain SICARD, membre et ancien président de l’Académie.

Lorsque Henri Gilles, après des années de formations fructueuses qui l’ont conduit jusqu’à la prestigieuse école de Rome, revient définitivement à Toulouse comme professeur agrégé d’histoire de droit, il entre dans notre compagnie en 1965 comme correspondant national dans la classe des Inscriptions et Belle Lettres. Il se proposait ainsi d’associer le patronage de notre compagnie à ses recherches en cours ou en projet sur l’histoire médiévale.

Henri Gilles, né à Toulouse le 1er avril 1921, avait associé les formations universitaires à Toulouse et à Paris, avec un goût toujours constant pour l’histoire médiévale. Après des études à la faculté de droit de Toulouse, il choisit de préparer le concours d’entrée à l’école des Chartes où il est reçu en 1948. Comme premier de sa promotion, il est détaché à l’école de Rome et il multiplie les recherches dans les manuscrits et les archives sur divers juristes de la cour pontificale. Nous renverrons pour le détail de ces recherches-là à l’hommage qui lui a été consacré par son ami et élève Patrick Arabeyre, professeur à l’École des Chartes, destiné à la Revue d’histoire de droit français et étranger.

Après ces deux années passées à Rome, il est chargé d’organiser les archives du ministre de l’Education Nationale, gigantesques et mal classées. Mais à l’instar de son maître Paul Ourliac il ambitionne de faire carrière dans l’enseignement supérieur. Après avoir soutenu sa thèse de doctorat à Paris, il est reçu au concours d’agrégation d’histoire de droit à l’automne 1961. Après deux années d’enseignement à la faculté de droit de Clermont-Ferrand, il est nommé à Toulouse et exercera jusqu’à sa retraite avec autant de sciences que de distinction, assurant les cours d’histoire de droit privé. Son premier ouvrage est consacré à l’histoire des Etats de Languedoc au XVème siècle. C’est-à-dire à cette forme de participation des notables de cette région pour accorder leurs intérêts avec ceux du Roi. La première forme de l’ouvrage a constitué sa thèse de doctorat ; enrichi par des recherches complémentaires, il est publié en 1965 dans la « Bibliothèque méridionale » et de la libraire Privat et reconnu tout de suite comme un ouvrage de référence.

Dans la même veine et avec la même sûreté, Henri Gilles a publié dans le volume collectif Les Parlements de Provence, une étude sur Les origines du Parlement de Toulouse, (p.29 et suivantes du volume publié par l’Université Toulouse le Mirail, 1995). En travaillant dans les archives de Toulouse, Henri Gilles donne une édition savante de la coutume rédigée en 1286 (la ville sera régie jusqu’à la Révolution par son droit coutumier). Cette publication s’accompagne de celle du premier commentaire de cette coutume attestant de l’état de droit en 1296. Il s’agit la encore d’une œuvre définitive, elle a été publiée par l’Académie de législation de Toulouse.

Henri Gilles, qui associe les recherches et l’enseignement, consacre les années qui suivent à composer et à publier des études sur l’histoire de l’université de Toulouse et sur ses maîtres de XIV, XV et XVIème siècles. Un recueil de ces articles a été publié en 1992 par les presses de l’Université de Toulouse sous le titre Université de Toulouse et Enseignement du droit XIII et XVIème siècle.

Ce volume appartient au genre académique des mélanges offerts à un collègue, mais il l’enrichit en réunissant des études consacrées aux thèmes conjoints de l’université de Toulouse et de l’enseignement de droit. Il reprend les différentes études du professeur Gilles, tant sur les locaux de l’université médiévale que sur les procédures de choix des professeurs et sur la place des « Docteurs de Toulouse » dans l’histoire de la culture. L’un des articles consacrés à l’université de Toulouse au temps de Jean Bodin évoque la participation des professeurs de Toulouse au mouvement de l’humanisme au XVIème siècle. On relèvera aussi un article essentiel sur « le rôle de l’université et dans l’effacement du catharisme ». La rigueur de ses recherches et la clarté de ses conclusions font du professeur Gilles le maître sûr de l’histoire de l’université et de l’enseignement de droit.

Il faut ajouter à ses travaux une dizaine de notes sur les professeurs et sur les comtes de Toulouse et surtout pendant une quarantaine d’années, la participation à l’équipe interdisciplinaire créée en 1966 autour des « rencontres de Fanjeaux ». Ces dernières ont associé des historiens, des théologiens et des juristes, se consacrant à l’étude de la vie religieuse dans le Midi médiéval. Chaque rencontre annuelle aboutit à la publication d’un ouvrage par les éditions Privat. La finalité de ces rencontres est de confronter les points de vue des spécialistes dans un esprit d’objectivité historique, étranger aux sirènes du Néo catharisme. Henri Gilles est associé à l’équipe à partir du numéro six et en assure bientôt la direction. La poursuite de ces recherches et des publications annuelles est due pour beaucoup aux qualités d’Henri Gilles, à son sens de l’organisation et sa rigueur scientifique, à son entregent. Il a contribué lui-même par plusieurs articles aux publications de ces journées, indique seulement la conclusion du volume L’Eglise et le droit du Midi (XII et XIIIème siècles), Cahier de Fanjeaux, n°29, Toulouse, Privat, 1994. Bien après la retraite administrative, il a continué et à œuvrer comme historien malgré les fatigues de l’âge. Sa participation s’est prolongé jusqu’au volume 46 de 2011.

Bien que sa modestie l’ait tenu éloigné des honneurs, il était membre du Comité des travaux historique et scientifique, du Conseil de l’université, avait reçu la médaille de bronze du CNRS et l’ordre du mérité. Tous ceux qui l’ont connu ont apprécié, outre sa science sans défaut, sa parfaite courtoisie et la chaleur de son accueil. A la mesure de la multiplicité des travaux d’Henri Gilles et des ses qualités d’historien reconnues en France et à l’étranger, on pourrait regretter que la responsabilité de tous ces travaux ne lui ait guère laissé de temps pour notre académie. Que la présente évocation des qualités de l’homme, du professeur, de l’historien permette à ceux qui l’ont connu de conserver longtemps sa mémoire.

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