Atelier « Modifications ciblées du génome végétal » – 10 Novembre 2016


 Un atelier portant sur les « Modifications ciblées du génome végétal »  se tiendra le jeudi 10 novembre, de 13h30 à 17h à l’Hôtel de Région, 22 bd du Maréchal Juin, Toulouse – Salle Gascogne. Entrée libre et gratuite (dans la mesure des places disponibles)

« Modifications ciblées du génome végétal »

Cette réunion, organisée par la plate forme Génétique – et société de la Génopole de Toulouse – est surtout centrée sur les aspects éthiques et l’acceptabilité des nouvelles technologies de modification des Génomes.

Animateur :

– Alain-Michel Boudet, Professeur émérite de biologie végétale à l’Université Paul Sabatier.

Intervenants :

– Michel Delseny, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université de Perpignan ;

– Fabien Nogué, Chargé de Recherche INRA, Versailles ;

– Peter Rogowsky, Directeur de Recherche INRA, ENS de Lyon.

Hôtel de Région, 22 Boulevard du Maréchal Juin, 31400 Toulouse – Salle Gascogne

PROGRAMME

13h30 Accueil des participants et remise des documents
13h40 Présentation du volet 4 de l’atelier par Alain-Michel Boudet
13h50 Tour de table
14h00 Michel Delseny, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université de Perpignan.
« De la modification aléatoire vers la modification ciblée. »
14h20 Discussions
14h30 Fabien Nogué, Chargé de Recherche INRA, Versailles.
« Utilisation de la diversité génétique en amélioration des plantes : continuité ou révolution ? »
14h50 Discussions
15h00 Peter Rogowsky, Directeur de Recherche INRA, ENS de Lyon.
« CRISPR-Cas9 chez les végétaux : état de l’art, applications potentielles et cadre règlementaire. »
15h20 Discussions
15h30 Identification des questions à débattre en petits groupes
15h45 Pause
16h00 Atelier de réflexion après répartition des groupes
16h40 Synthèse par ateliers
17h00 Fin de l’atelier

 

 

PRESENTATION

CRISPR-Cas9: de nouvelles potentialités pour l’amélioration des plantes.

Les mots « chocs », les expressions imagées se multiplient dans l’espace médiatique pour évoquer les potentialités du système CRISPR-cas 9 : le big bang de la génétique, la révolution CRISPR, un véritable tsunami, CRISPR : le couteau suisse de la génétique. Les domaines d’exploitation prévisibles de cette approche biotechnologique inspirée de stratégies de défense « immunitaire » des bactéries sont en effet très nombreux et prometteurs aussi bien au niveau de la recherche en laboratoire que des applications à des fins pratiques. Dans le domaine végétal, les perspectives sont multiples mais cet atelier sera focalisé sur un axe précis, la possibilité d’induire des mutations parfaitement définies et ciblées. Cette approche revêt un intérêt agronomique important puisque la mutagénèse induite (non ciblée jusqu’à maintenant) a représenté un outil classique de l’amélioration des plantes qui a conduit à de nombreuses variétés commercialisées optimisées pour différents caractères. Les mutations ciblées présenteraient de grands avantages en permettant d’accélérer l’obtention de variétés d’intérêt et de réduire les coûts associés.

Les trois intervenants au niveau de cet atelier sont des experts reconnus du domaine de la modification des génomes des plantes :

– Michel Delseny présentera le cadre général, déjà historique et controversé, de la production d’OGM ;

– Fabien Nogué évoquera les nombreux changements spontanés qui confèrent aux génomes végétaux une plasticité remarquable et leur extension dans les programmes de mutagénèse induite, source de variabilité génétique utile en amélioration des plantes ;

– Peter Rogowsky centrera son exposé sur les aspects techniques de l’utilisation de CRISPR-Cas9 en mutagénèse ciblée et sur les problèmes réglementaires.

Le thème retenu représente un bon exemple pour s’interroger sur les avantages, les limites, la dimension éthique et la relation avec les règlementations en vigueur d’un nouveau procédé biotechnologique de mutagénèse ciblée chez les végétaux .

Résumé de Michel Delseny, Directeur de recherche émérite au CNRS, Laboratoire Génome et Développement des Plantes, UMR 5096, CNRS, Université de Perpignan. Contact : delseny@univ-perp.fr

« De la modification aléatoire vers la modification ciblée. »

La variabilité génétique, naturelle ou induite par mutagénèse, n’est pas toujours suffisante pour permettre aux améliorateurs de plantes de répondre aux questions que pose l’adaptation des plantes à des conditions environnementales changeantes, à des besoins technologiques nouveaux ou encore aux souhaits des consommateurs. Une stratégie prometteuse s’est faite jour après qu’il eut été réalisé que la bactérie Agrobacterium tumefaciens, était capable de transmettre naturellement un fragment d’un de ses plasmides, le T-DNA, au génome nucléaire des plantes. On a donc domestiqué cette bactérie et utilisé le T-DNA comme vecteur pour introduire dans le génome végétal un gène qui n’y existait pas. Depuis la démonstration du concept en 1983, des plantes génétiquement modifiées sont cultivées presque partout dans le monde, actuellement sur près de 180 millions d’hectares. Cette technologie a été vivement critiquée, et rejetée dans notre pays, sur des bases souvent non scientifiques, malgré son intérêt et une réglementation très lourde qui tue son développement. Les objections scientifiques portent sur la présence de marqueurs de résistance aux antibiotiques, les risques sanitaires, les risques d’insertion au hasard, et les risques liés aux flux de gènes. Au cours des dernières années, la plupart de ces objections ont été balayées et de nouvelles technologies, beaucoup plus précises, permettent de produire des plantes modifiées quasiment indistinguables des espèces non modifiées. La question est de savoir si la réglementation concernera la technologie, comme pour les OGM, ou simplement le trait introduit, comme pour n’importe quelle variété obtenue par amélioration classique.

Résumé de Fabien Nogué, Chargé de Recherche INRA à l’Institut Jean-Pierre Bourgin, Versailles.

« Utilisation de la diversité génétique en amélioration des plantes : continuité ou révolution ? »

En dépit de la remarquable fidélité de la réplication de l’ADN des mutations sont incorporés dans l’ADN à une fréquence qui rend potentiellement chaque organisme unique. Les mutations génétiques les plus fréquentes sont de courtes insertions/délétions ou modifications de nucléotides conduisant à des polymorphismes nucléotidiques simples (SNP). Cependant, les génomes subissent également de nombreux changements drastiques, y compris des réarrangements chromosomiques, de longues délétions, des duplications et des insertions de grandes séquences comme les éléments transposables. Tous ces mécanismes confèrent aux génomes végétaux une plasticité remarquable qui permet aux plantes de s’adapter à de nouveaux environnements et qui a également été exploitée pour leur domestication et leur amélioration. Cependant, ces mutations restent des évènements rares à l’échelle de l’individu et ne peuvent pas forcément générer toute la diversité génétique nécessaire aux améliorateurs (fermiers ou sélectionneurs) pour répondre aux nombreuses contraintes biotiques ou abiotiques rencontrées par les plantes cultivées. Au cours des 70 dernières années, des programmes de mutagenèse induite, visant à augmenter la variabilité génétique, ont été lancés et plus de 3200 nouvelles variétés de plantes ont été obtenues. Cette approche a été extrêmement utile malgré certaines limitations comme par exemple la difficulté d’identifier un petit nombre d’individus présentant de nouveaux phénotypes au sein d’une grande population, ou la redondance génétique présente dans de nombreuses espèces végétales, due à la duplication de gènes et la polyploïdie, qui limite l’effet de nombreuses mutations sur la plante. Au cours des dernières années, de nouveaux outils ont été développés, comme le système CRISPR-Cas9 par exemple, qui permettent d’augmenter la diversité génétique de manière plus précise et plus efficace que les agents mutagènes classiques. Dés maintenant, certains gènes sont de bonnes cibles de ces outils de modification du génome pour tenter d’augmenter la diversité génétique utilisable dans les programmes de sélection variétale.

Résumé de Peter Rogowsky, Directeur de Recherche INRA au Laboratoire de Reproduction et Développement des Plantes à l’ENS de Lyon.

« CRISPR-Cas9 chez les végétaux : état de l’art, applications potentielles et cadre règlementaire. »

La technologie CRISPR-Cas9 suscite un grand intérêt dans le monde du végétal, à la fois pour la recherche et pour la création variétale. Si l’insertion ciblée de transgènes et l’obtention de mutations à un endroit prédéterminé du génome sont aujourd’hui maîtrisées chez les espèces ou variétés qui se prêtent à l’ingénierie cellulaire, l’édition du génome (le remplacement de quelques bases d’un gène) est encore limitée à quelques exemples très particuliers. La technologie s’applique en principe à tout type de trait agronomique ou de qualité, sous condition de disposer de connaissances sur les gènes à cibler et les modifications à apporter. Les preuves de concept concernent actuellement surtout la résistance aux maladies, la tolérance aux herbicides et la composition biochimique des produits récoltés. La règlementation des plantes obtenues par la technologie CRISPR-Cas9 pose aujourd’hui question, surtout dans les cas où la nucléase Cas9 n’est pas présente dans les plantes finalement obtenues. Faut-il baser leur évaluation sur le procédé, qui implique en général une étape de transgénèse stable, ou sur le produit, qui est l’équivalent d’un mutant ? Faut-il soumettre le descendant d’une plante transgénique, qui ne porte plus le transgène, à la réglementation OGM ? Et que penser du « gene drive », qui pourrait permettre de contrôler des pathogènes ou des espèces invasives par la propagation de gènes néfastes dans des populations naturelles ?