Colloque Pierre de Fermat – Programme


                                             

                           Nouveaux regards sur Pierre (de) Fermat 

                          Lundi 18 juin 2018, hôtel d’Assézat, Toulouse 

                          

                                      Cette journée, organisée par l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse et labellisée par ESOF 2018, vise à enrichir la réflexion sur la vie et l’œuvre de Pierre (de) Fermat. Elle réunit des chercheurs de diverses origines. Son accès est gratuit et ouvert à tous.             

                                       Accueil à partir de 8h30                                                                 

                                       9h-9h30 : Introduction

Séance 1 

                                       9h30-10 h : Guy Alshell de Toulza, présentation des quelques représentations de Fermat réunies à l’hôtel d’Assézat 

                                       10h-10h30 : Maryvonne Spiesser, La fabrique de la science au temps de Fermat

                                       10h30-11h : Denis Favennec, Ce que la science doit aux lettres : remarques sur les échanges Fermat-Mersenne-Pascal-Descartes

                                       11h-11h30 : Pause

Séance 2

                                       11h30-12h00 : Jeremy Hyman, Quelques remarques sur la découverte d’un nouveau manuscrit des Méditations métaphysiques de René Descartes 

                                       12h00-12h30 : Jean Aymes, Études, commencements, premiers déploiements

                                       12h30-14h30 : déjeuner 

Séance 3

                                      14h30-15h00 : Jean-Luc Laffont, Le volet commingeois de la vie de Pierre (de) Fermat et d’une branche de sa famille

                                      15h00-15h30 : Yves Le Pestipon, Fermat, le Christ et Balzac

                                      15h30-16h00 : Didier Foucault, Activités littéraires et scientifiques à l’académie de Castres au temps de Fermat

                                      16h-16h30 : pause

Séance 4 

                                      16h30-17h00 : Marielle Mouranche, Les publications posthumes de Fermat : hommage d’un fils à son père

                                      17h00-17h30 : Jean-Baptiste Hiriart-Urruty, Le rôle des conjectures dans l’avancement des mathématiques de Fermat à nos jours 

                                     17h30-18h : discussion générale et clôture du colloque 

Guy Alshell de Toulza (Historien des arts, Académie des Sciences, Toulouse) : présentation des quelques représentations de Fermat réunies à l’hôtel d’Assézat

L’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse se place volontiers dans le sillage de Pierre (de) Fermat. Les médailles qu’elle distribue sont à son effigie. Diverses représentations du grand homme apparaissent dans ses locaux. Il s’agira d’en faire la liste, de les étudier, et de tenter de montrer les raisons de l’attachement de cette vieille académie toulousaine à ce personnage qui ne put en faire partie, parce qu’elle n’existait pas quand il était en vie. 

Maryvonne Spiesser (Mathématicienne, historienne des mathématiques, vice-présidente de Fermat Science) : la fabrique de la science au temps de Fermat

Lorsque Fermat crée et fait connaître ses mathématiques, les Académies royales et les revues scientifiques ne sont pas encore nées. Comment se « fabrique » alors la science ? Comment les savants communiquent-ils et diffusent-ils leurs travaux ? Fermat, isolé dans sa province, se tient pourtant au cœur des débats qui animent l’Europe des lettres et des sciences. Nous redirons le rôle central et fondamental que des savants comme le père Marin Mersenne ont eu pour la diffusion des nouvelles idées qui ont bouleversé le paysage scientifique et en particulier les mathématiques. Nous prendrons en exemple les échanges et controverses du mathématicien gascon avec quelques grands noms de son temps, dont l’anglais John Wallis. Dans le cas de Fermat, qui a très peu publié de son vivant, la correspondance est fondamentale. Nous examinerons dans quelle mesure ce type d’échanges a eu un impact sur le mode d’exposition elliptique du mathématicien, qui lui valut bien des critiques.

Denis Favennec (Lycée Montaigne, Bordeaux) : ce que la science doit aux lettres, remarque sur les échanges Fermat-Mersenne-Pascal-Descartes 

« Je vous proteste que cela ne fera aucun effet dans mon esprit, qui est  si éloigné de toute vanité, que M. Descartes ne saurait m’estimer si peu, que je m’estime encore moins. » Dans sa célèbre lettre à Mersenne du 26 novembre 1637, Fermat tente de mettre fin par le bas à la querelle qui l’oppose à Descartes. Or il n’est pas indifférent que cette querelle
ait pris une forme épistolaire et indirecte : le rythme propre de la correspondance, les effets de style qu’elle impose, le passage nécessaire par un tiers à la fois témoin et entremetteur, tous ces éléments ont pu entretenir le malentendu évitable et fécond entre ces deux puissants mathématiciens. Comment la forme épistolaire a façonné des rapports conflictuels ou amicaux, quelle influence elle a exercé sur la formation des idées scientifiques, bref ce que la science doit aux lettres : c’est ce que nous proposons d’explorer à travers l’étude de la correspondance Fermat-Mersenne-Pascal-Descartes.

Jeremy S Hyman (Département de Philosophie, Université de l’Arkansas, Fayetteville) : quelques remarques sur la découverte d’un nouveau manuscrit des Méditations Métaphysiques de René Descartes 

Le 18 novembre 1640 marque le début de la période de maturité de René Descartes – et, avec lui, de la philosophie moderne. En effet, ce jour-là, Descartes envoie le brouillon de ses Méditations Métaphysiques à son ami et confident, Marin Mersenne, chargé de le faire circuler auprès de quelques amis métaphysiciens, théologiens et mathématiciens afin de recueillir leurs évaluations et commentaires. Mersenne s’acquitte avec bonheur de sa tâche de « distributeur et protecteur ». Il charge  son copiste personnel de réaliser une douzaine de copies (selon nos estimations) qu’il expédie ensuite à des figures intellectuels d’obédiences philosophiques ou théologiques très différentes parmi lesquels Thomas Hobbes, Antoine Arnaud, Pierre Gassendi, Jean-Baptiste Morin et Pierre de Fermat. Les objections fournies par ces intellectuels d’horizons divers sont alors incorporées, complétées par les réponses de Descartes, dans les deux éditions imprimées des Méditations, la première à Paris en 1641, et la seconde où figurent les objections additionnelles du théologien jésuite Pierre Bourdin, à Amsterdam, en 1642. 

L’été dernier, après une recherche menée à bien tant dans les bibliothèques que dans les archives et en ligne, j’ai découvert l’unique copie encore existante des brouillons que Mersenne fit circuler aux objecteurs au sein de la collection de livres rares de la Bibliothèque municipale de Toulouse. J’ai pu établir l’authenticité de cette copie et établir que le destinataire de ce brouillon était le mathématicien Fermat….    

Jean Aymes (Professeur agrégé en mathématiques et historien des mathématiques) : études, commencements, premiers déploiements

Dans son introduction à « Inventum Novum » avec ses louanges des prodigieuses inventions de Fermat, le jésuite et mathématicien français Jacques de Billy a ses mots « Il n’a pas puisé ces inventions dans les ouvrages d’autrui, comme ont coutume de faire certains arrangeurs, i les a tirées de son propre fonds, élaborées lui seul. »

Cet apport de nouveau se vérifie bien dans ses travaux d’arithmétique. Fermat a évidemment puisé dans les ouvrages d’autrui, notamment ce qui est parvenu des Anciens, tant la tradition euclidienne que la singulière oeuvre de Diophante. Cela au travers du prisme des relectures et apports du monde arabe, des avancées de son temps. Le propos est de regarder les commencements de Fermat, en portant l’intérêt sur quelques brèves notes de Fermat relatives à des questions de combinatoire. Deux commentaires de la traduction par Claude-Gaspard Bachet de Méziriac des Arithmétiques de Diophante comme objet d’observation :

– le commentaire 47 de la proposition XXVII de l’Appendice de Bachet sur les nombres polygones ;

– le commentaire 46 de la proposition IX de Diophante.

Des commentaires liés à la correspondance, ce qui aide à les situer dans le temps.

Avec le commentaire 47, il donne à la proposition XXVII une forme plus générale où Bachet ne traite qu’exemples, exemples connus des Anciens. Ce faisant, par son calcul, il semble ouvrir comme une méthode, ce qui est quelque peu caractéristique de sa façon d’être homme de science. Fermat a-t-il aperçu d’autres prolongements ?

Son commentaire de la proposition IX est clairement une mise en forme très proche du triangle arithmétique que Pascal étudiera précisément. Pascal fait mention de cette claire antériorité. Là encore il s’agit d’un grand pas en avant.

Autour de cela, le propos est de regarder notamment :

– l’expression de Fermat toute marquée du langage des nombres figurés qui viennent de très loin

(deux millénaires), une manière spécifique d’appréhender les nombres entiers ; ce qu’on pressent de son talent d’algébriste, plus souvent induit qu’observé

– ce qu’il déploie à partir de ses études des propositions anciennes, en relation au contexte de problèmes à résoudre

– des marques déjà récurrentes de préoccupations de nature scientifique

– dans quelle mesure, il s’agit d’élaborations solitaires alors qu’existent des échanges savants, qu’une

relative antériorité de résultats plus ou moins répandus se vérifie.

Au risque d’être inscrit au banc des arrangeurs, nous essaierons d’organiser une présentation aussi

significative que possible sur ces questions déjà travaillées.

Œuvres de Fermat, publiées par les soins de Paul TANNERY et Charles HENRY, Gauthier-Villars, 1894.

Œuvres de Pierre Fermat, La théorie des nombres, Roshdi RASHED, Christian HOUZEL, Gilles CHISTOL, Albert Blanchard, 1999

Beaucoup passeront et la science s’augmentera, Jean AYMES, article bulletin vert A.P.M.E.P. n° 519, Mai-Juin 2016

Pythagore, Quelques aspects de l’arithmétique pythagoricienne, Mireille CLAPIER, Marie DOPFFER, Michel GUILLEMOT, Maryvonne SPIESSER, I.R.E.M. de Toulouse, 1987

Jean-Luc Laffont (Université de Perpignan) : le volet commingeois de la vie de Pierre (de) Fermat et d’une branche de sa famille 

C’est à un volet méconnu -car délaissé par les biographies et peu documenté- de l’histoire de Pierre (de) Fermat (1605-1665) et d’une branche de sa famille qu’on se propose de s’attacher dans cette étude. Il s’agit d’un moment de la vie du célèbre polymathe qui, à l’heure de la Fronde, s’est très officiellement retrouvé en Bas Comminges en sa qualité de parlementaire pour y faire ce qu’on qualifierait aujourd’hui « d’audit » ou « d’expertise ». Ce faisant, il y eut l’occasion de faire jouer ses talents de médiateur. Quand et pourquoi, c’est ce qu’on se propose d’éclairer ici autant que faire se peut.

Ce faisant, l’on sera amené à éclairer l’existence d’une partie méconnue de la généalogie des Fermat avec sa branche cadette implantée à Saint-Antoine de Pont d’Arratz (Gers). On s’intéressera plus particulièrement à la génération des -probables- cousins de Pierre (de) Fermat dont deux membres accédèrent au capitoulat et, de ce fait, à la noblesse héréditaire. C’est l’un de ces deux individus qu’on retrouve en Comminges, là même où oeuvra Pierre (de) Fermat.

Yves Le Pestipon (Lycée Fermat, Toulouse) : Fermat, le Christ et Balzac

 

À la fin des Varia opera mathematica, livre publié par Samuel Fermat après la mort de son père, paraît un grand poème latin : « Cede deo, seu Christus moriens ». Ce poème est adressé à Guez de Balzac, grande figure, mais controversée, de l’invention littéraire de la langue française dans la première moitié du XVIIème siècle. La communication tentera d’explorer les raisons de cette dédicace à Guez de Balzac. Elle conduira à lire ou à relire quelques pages de la poésie latine de Balzac, en particulier son « Christus nascens ». Elle cherchera à rendre compte du dispositif éditorial choisi par Samuel Fermat pour construire la figure de on père en poète latin, bien inséré dans la République des lettres et clairement catholique. 

Didier Foucault (Professeur d’histoire émérite, université Jean Jaurès) : activités littéraires et scientifiques à l’académie de Castres au temps de Fermat

Fermat a résidé à plusieurs reprises à Castres entre 1638 et 1665, date de son décès. La fréquence de ses vacations de magistrat à la  Chambre de l’Edit et l’intérêt qu’il a porté à sa charge témoignent d’un attachement particulier à la cité protestante. Si nous en ignorons toutes les raisons, il ne fait pas de doute que la richesse de sa vie culturelle y a eu sa part. Entre 1648 et 1670, en effet, Castres a été le siège d’une brillante académie, où étaient  débattues toutes les  grandes questions qui animaient la vie littéraire et scientifique du temps. Les frères Pellisson ses fondateurs, le médecin et savant Pierre Borel qui servit à Fermat d’intermédiaire avec des mathématiciens européens, mais aussi le physicien Pierre Saporta avec qui il a édité une des rares œuvres publiées de son vivant, ou son collègue Jacques de Ranchin qui a fait état de ses essais littéraire devant la docte assemblée, en sont les figures les plus marquantes. En s’appuyant sur l’étude des comptes rendus des travaux de l’académie, cette communication tentera de reconstituer l’univers intellectuel dans lequel Fermat a évolué lors de ses séjours – parmi les plus productifs de sa carrière de mathématicien – dans la ville de Castres ».

 

Marielle Mouranche (Archiviste-paléographe et conservatrice en chef de bibliothèque) : les éditions toulousaines de Fermat : hommage d’un fils à un père

Lorsque Fermat meurt en 1665, ses travaux sont connus de la communauté scientifique européenne, mais il n’a quasiment rien publié, à part en 1660 un opuscule inséré en appendice d’un ouvrage d’Antoine de Laloubère, mathématicien toulousain. Fermat avait pourtant accepté à la fin de sa vie l’idée d’une publication de son oeuvre, dont il avait chargé son ami Pierre de Carcavi. Ce projet n’ayant pas abouti, c’est Samuel, le fils aîné de Fermat, qui se charge de reprendre le flambeau. Il rassemble, non sans mal, les écrits de son père et les fait publier à Toulouse, en deux étapes : en 1670, l’édition latine par Brachet des Arithmétiques de Diophante d’Alexandrie, avec les observations de Pierre de Fermat, où est énoncée la célèbre conjecture du dernier théorème ; puis, en 1679, les Varia opera mathematica  D. Petri de Fermat, édition remarquable bien qu’imparfaite et incomplète. 

Cette entreprise éditoriale, pour laquelle Samuel semble n’avoir économisé ni son temps ni son argent, est un bel exemple de piété filiale. Elle n’a jamais fait l’objet d’une étude complète, notamment du point de vue de l’histoire du livre.

La communication proposée vise à apporter quelques éclairages sur l’histoire éditoriale de ces ouvrages, dans la mesure des sources disponibles qui sont en cours de collecte.

  • Samuel de Fermat, éditeur intellectuel : la collecte des textes, le choix
  • Les conditions matérielles et juridiques de la publication : la recherche d’imprimeurs-libraires, le financement, les conditions d’impression
  • La bibliographie matérielle : papier, typographie, ornementation, illustration 

« Les libraires ne sont pas raisonnables » : les difficultés de la diffusion

Jean-Baptiste Hiriart-Urruty (professeur émérite, Université Paul Sabatier) : le rôle des conjectures dans l’avancement des mathématiques de Fermat à nos jours

Conjecture… si on ouvre un dictionnaire quelconque à ce mot, voici ce qu’on peut trouver : hypothèse formulée sur l’exactitude ou l’inexactitude d’un énoncé dont on ne connaît pas encore la démonstration. En d’autres termes, c’est une « question ouverte », pour laquelle une affirmation a été prononcée : « oui, je pense que cette assertion est vraie », ou bien, ce qui a la même portée logique, « non, je conjecture que cet énoncé est faux ». En mathématiques, comme dans d’autres sciences, les conjectures ont toujours joué un rôle de stimulant et de moteur. Chaque domaine des mathématiques a ses conjectures, plus ou moins connues, plus ou moins compréhensibles… Il y a des listes « officielles » pour mathématiciens professionnels (comme les 7 des Prix Clay, 2000), ou d’autres plus compréhensibles pour amateurs (comme les Top 4 selon M. Launay sur YouTube, 2016). « Conjecturer » est même une démarche qui est encouragée dans l’apprentissage des mathématiques, y compris dans les classes de collèges et lycées (cf.  programmes officiels ou sujets d’examens).

Conjecture… comment, en prononçant ce mot, ne pas penser celle qui a fait la célébrité de Fermat ? Le génial occitan avait dans sa besace d’autres énoncés que ladite « grande conjecture »… Lancer des conjectures, des défis,… était d’ailleurs pour lui une manière de faire avancer les mathématiques, dont il a beaucoup usé. 

Qu’en est-il aujourd’hui ? Les conjectures jouent toujours un rôle dans la recherche mathématique moderne… L’outil informatique permettant des calculs puissants aide aussi à étayer ou réfuter une conjecture que le simple cerveau humain peut concocter. Mais on peut se faire piéger… Dans cette courte communication, nous montrerons sur des exemples simples comment des calculs poussés (dont ne disposait pas Fermat), des considérations physiques ou numériques, peuvent conduire à avancer la véracité d’un énoncé… alors que qu’il est mathématiquement faux. Bref, une formule peut être « numériquement » ou « physiquement » exacte, et « mathématique-ment »  inexacte…